Annoncée lors du lancement de la rentrée académique 2017-2018, la suppression de la gratuité des frais d’inscription dans les universités publiques risque d’être rapportée. C’est du moins ce que laissent entendre des indiscrétions après le séminaire gouvernemental mardi dernier où, suite au plaidoyer des étudiants, le Président Patrice Talon serait dans la dynamique de favoriser la définition d’un nouveau mode de gestion moderne des universités.
Le président Patrice Talon est sensible au cri de cœur des étudiants. Alors qu’à la demande des recteurs et conformément aux conclusions de l’atelier de Bohicon relatif à l’évaluation de la mise en œuvre du système Lmd, il a fixé de nouveaux frais d’inscriptions pour être applicables dès cette rentrée académique 2017-2018, des plaidoyers ont été faits à son endroit pour obtenir une certaine souplesse dans la mise en œuvre de cette décision. Plus précisément, les étudiants souhaitent que l’application de la suppression soit reportée à la rentrée académique 2018-2019. Dans un courrier adressé à la ministre en charge de l’enseignement supérieur, ils expliquent que cela permettra l’instauration du débat de fond et favorisera une meilleure sensibilisation de la communauté universitaire et de l’opinion publique. Message reçu, peut-on dire. En effet, lors du séminaire gouvernemental qui s’est tenu le mardi dernier au Palais de la Marina, sous la présidence effective du chef de l’Etat, l’Exécutif a évalué l’application de la mesure de gratuité des frais d’inscription aux universités nationales du Bénin. L’évaluation révèle que l’Etat n’a pas souvent mis à la disposition des universités les subventions compensatrices, et que les universités, elles-mêmes, n’arrivent pas à lever les fonds indispensables à l’accomplissement de leur mission. Face à cela, le président Talon et son gouvernement ne serait pas contre le principe du moratoire demandé par les étudiants. Toutefois, l’Exécutif estime nécessaire et opportun de mener une réflexion globale sur le financement des universités publiques au Bénin. Mais, il faudra se demander si nos universités peuvent durablement vivre sans ces ressources substantielles provenant des inscriptions. Au sortir de cette rencontre, le gouvernement serait dans la dynamique de favoriser la définition d’un nouveau mode de gestion moderne des universités. A travers celle-ci, l’Etat apporterait sa contribution au fonctionnement des universités, en prenant par exemple en charge les frais d’inscription. De même, il compte définir les modalités de mobilisation de ressources additionnelles. Cette réforme pourrait entrer en vigueur dès la rentrée académique 2018-2019, apprend-on de sources dignes de foi.
Gratuité, fin des problèmes du monde universitaire ?
Cette décision, si elle venait à être prise, donnera un peu de répit aux étudiants, mais va relancer la problématique du financement des universités publiques en République du Bénin. En effet, la suspension de la gratuité des frais d’inscription aux universités publiques, en vigueur depuis 2008, a été souhaitée par les recteurs des universités publiques. La raison est simple. La gratuité de l’inscription dans les universités publiques laisse apparaître chaque année un déficit avoisinant les 2 milliards de FCfa dans le budget des universités. Selon eux, cela permettrait non seulement, une plus grande responsabilisation des étudiants et de leurs parents et, du coup, un plus grand engagement dans leurs études, mais aussi et surtout la mobilisation à temps des ressources financières propres pour le bon fonctionnement des universités nationales. Il convient de souligner que, par principe, l’enseignement supérieur ne saurait être gratuit. L’accès à l’université, généralement, est une affaire d’élite. Dans plusieurs pays occidentaux, ce sont les jeunes qui s’endettent même pour payer leur formation universitaire. Si, à un moment donné, la mesure a été prise, c’est le fait du gouvernement d’alors qui aura fait plus de mal que de bien à l’université. En réalité, les parents qui ont tout le temps payé les études secondaires de leurs enfants par exemple, ont-ils jamais dit avoir manqué de moyens pour payer les frais d’inscription d’à peine 15.000 FCfa à l’époque ? Pendant que nombre de parents sont prêts à débourser des centaines de mille de francs Cfa pour inscrire leurs enfants aux universités privées, comment d’autres ne pourraient-ils pas payer les frais symboliques du public ? Des réponses à ces questions pourraient calmer les ardeurs.
Joël Samson Bossou