L’institution parlementaire perd de plus en plus, sa lettre de noblesse et galvaude la mission républicaine qui lui a été confiée par la constitution de 1990. Si dans le rang du béninois lambda , la représentation nationale s’est totalement auto asservie, pour la classe de l’intelligentsia béninoise, l’image que projette notre assemblée nationale est préoccupante. Lire ci-dessous, la peinture qu’en fait l’homme de lettre et ancien ministre, Roger Gbégnonvi.
Peinture de Roger Gbégnonvi sur l’Assemblée nationale:
En 2004, dans son ouvrage ‘‘Le mal transhumant’’, un journaliste béninois bon teint avait révélé que le parlement béninois était un supermarché climatisé, sans foi ni loi, où des enfoirés se vendent eux-mêmes aux enchères, joyeusement. Echantillons : ‘‘J’ai reçu 10 millions pour voter contre la loi électorale.’’- ‘‘On m’avait proposé 11 millions de francs CFA pour voter la loi sur l’avancement au mérite. J’ai refusé.’’ Quoi ? Enchères pas assez chères ?
Il se révélera qu’en plus d’être une foire de gens auto-vendus, le parlement béninois est un repaire pour solides délinquants à col blanc. Ministre de la République ou grand commis de l’Etat, vous avez bourré d’argent public votre compte dans les Iles Caïmans. Pour éviter tout ennui judiciaire, vous rapatriez une partie de la fraude pour acheter la conscience d’électeurs affamés et miteux, ce qui vous propulse au parlement où, sous le manteau d’une immunité en béton armé (art. 90 de la constitution), la cocarde tricolore portée avec componction, vous continuez, en tout bien tout honneur, à sucer doucereusement le sang des travailleurs et des contribuables béninois. Les délinquants qui se sont mis ainsi à l’abri sont connus. On les voit rouler les mécaniques dans les nids de poule de la cité malheureuse. Ils sont pimpants, bedonnants, et protégés par un ou deux garde-corps, chacun.
On sait que, plongé dans l’indigo, tout tissu blanc en ressort avec la couleur bleu-nuit. C’est ce qui est recherché par le teinturier. Et c’est ce qui est arrivé le vendredi 8 décembre 2017 à un jeune négociant de la ci-dessus foire, si du moins l’on ose croire qu’avant sa plongée dans l’indigo parlementaire, celui que l’on est en train de découvrir bleu-nuit fut blanc comme coton hydrophile. Ce vendredi-là, sans doute par hasard, la police nationale perquisitionne dans un domicile, et c’est – citation – ‘‘le démantèlement d’un trafic de faux médicaments impliquant la famille du député.
D’importantes quantités de médicaments ont été saisies par les forces de l’ordre… Les produits saisis ont rempli plusieurs camions. Leur valeur peut être estimée à des millions de francs CFA’’ – fin de citation. Un journal en ligne précise : ‘’Près de 100 tonnes de produits saisis.’’ Pendant l’embarquement des faux médicaments, le député surgit. Il brandit immunité et cocarde. La police brandit le flagrant délit. Ce talon d’Achille de l’immunité avait échappé jusque-là à ‘‘l’honorable député’’, comme ils aiment à se faire appeler, même quand ils sont bleu-nuit et plus nuit que bleus.
Quand on lui narra la chose à Paris, où il égrène sa retraite, Jacques Chirac fut heureux, au point d’honorer un petit verre de bière en murmurant : ‘‘Ce c… de député a failli me faire mentir !’’ Ravi, le patriarche ! Car c’est à Cotonou, plaque tournante de pas mal de faux, à 30 kms du parlement béninois, qu’il prononça l’inoubliable discours de lancement de sa Fondation contre les faux médicaments, pour la santé des pauvres gens. Pour le singer, le parlement béninois, en cette année 2017, a voté une loi contre les faux médicaments, pour la santé des pauvres gens. Mais l’un des siens – affaire de famille et de réseau – aura vu dans ladite loi une vaste blague, et décidé de torpiller la farce en important de faux médicaments.
La suite, la voici, réglée comme du papier à musique. Les 82 autres conjurés n’offrent à leur petit camarade suspecté d’être bleu-nuit aucun avocat pour l’aider à retrouver quelque couleur d’origine. Sachant que le retour à l’innocence relève du leurre après la plongée dans l’indigo parlementaire, ils soutiennent leur alter ego. A tue-tête, ils invoquent l’immunité. Fiers comme Artaban, ils brandissent la cocarde. Ils ne craignent ni le péché ni le crime. Le péché : ce vendredi 8 décembre, c’était l’Immaculée Conception, inconciliable avec le bleu-nuit. Marie ne mérite pas ça. Le crime : ce vendredi noir pour le parlement béninois fut aussi un vendredi noir pour le peuple béninois. Le peuple béninois ne mérite pas ça.
Roger Gbégnonvi