Nous ne nous attendions pas à cela. Même si nous avions été prévenus d’une hausse probable des tarifs des services de téléphonie mobile. Mais le ciel nous est littéralement tombé sur la tête au constat que la hausse des prix proposée valait une invite au suicide. Un plongeon en règle dans une piscine vide.
Au regard de ces tarifs, soit que les entreprises GSM se sont entendu pour tuer la poule aux œufs d’or qu’est le client, soit que ces mêmes entreprises ont convenu de se tirer une balle dans la tête. Dans un cas comme dans l’autre, personne ne gagne, tout le monde perd. Etrange, n’est-ce pas ?
La raison d’être des entreprises GSM, c’est de gagner de l’agent. La satisfaction du client-consommateur, c’est d’en avoir pour son argent. Nous n’avons pas su chausser les lunettes qu’il faut pour faire une lecture saine de la situation. Nous aurions détecté les trois données fondamentales que voici.
1 – Le principe.
Il s’énonce ainsi qu’il suit : au XXIème siècle, le besoin de communiquer vaut le besoin de manger. Oui, la communication et le pain sont à un égal niveau dans la balance de nos besoins. L’histoire est jalonnée d’émeutes du pain. Lesquelles continuent de justifier que « Ventre affamé n’a point d’oreilles », qu’ « Un homme qui a faim, n’est pas un homme libre ». Les émeutes qui vont de plus en plus ébranler le monde contemporain sont les émeutes de la communication.
Nous sommes dans un domaine ultra sensible. A ne prendre, sous aucun prétexte, à la légère. Des besoins de plus en plus étendues, des exigences de plus en plus fortes au rythme du développement exponentiel des technologies de l’information et de la communication. La vendeuse de fruits et légumes au marché Ganhi a autant de besoins de communication que le haut cadre logé au 6ème étage de la tour administrative.
2- Le contexte.
Face aux difficultés de tous ordres qui émaillent le quotidien du Béninois lambda une crise de la communication n’aurait pas été une crise de plus, mais une crise de trop. Les Béninois ont pris, jusqu’ici, leur mal en patience. Ils ne se sont pas laissé ébranler par une série de hausses de prix de denrées et de services : carburant, péage, plaques de motos…
Ils sont admirables de patience face aux promesses du gouvernement. Depuis plusieurs semaines, ils se saignent aux quatre veines pour envoyer leurs enfants à l’école. Comme on le sait, la rentrée scolaire pèse lourd dans le budget de la majorité des familles béninoises.
Dans un tel contexte, une hausse drastique des tarifs de téléphonie mobile a tout l’air d’une provocation. Toutes choses corroborées, du reste, consciemment ou inconsciemment, par le ministre de l’Economie et des Finances. Voici un homme jusque là exemplaire de discrétion. Il est partout précédé d’une réputation de haute compétence.
Soudain, il déboule sur la scène publique et se fend d’une déclaration. « Vous critiquez le Gouvernement ? Désormais, vous payerez plus cher pour le faire ». Cela veut-il dire qu’on doit être financièrement capable avant de se donner la liberté de critiquer le gouvernement ? Cela vaut déni de démocratie. Le gouvernement du peuple, que nous sachions, n’est pas le gouvernement des riches.
Politiquement parlant, le ministre a oublié qu’il s’adressait moins aux clients des entreprises GSM qu’à des électeurs potentiels. Mais beaucoup soutiennent que le ministre faisait de l’ironie. Nous voulons bien. L’ironie obéit à des codes socioculturels déterminés. Nous en sommes encore à chercher à quel code renvoie l’ironie de Monsieur le ministre.
3 – La leçon à tirer.
Restons sur le terrain politique sur lequel le ministre de l’Economie et des Finances nous a entraînés. Une communication accessible au plus grand nombre, même si c’est pour critiquer le gouvernement, agit comme une soupape de sûreté. Il s’agit de ce dispositif placé dans la chaudière d’une machine à vapeur. Fonction ? Empêcher l’explosion qui résulterait d’une pression excessive.
Exemple : les actions clandestines et les tracts sont morts du jour où nous avons libéré la parole. L’idéal, ce n’est pas d’empêcher les citoyens de communiquer, donc de parler. La grande leçon, la voici : ouvrons grand les vannes de la communication. Les champs de réalisation du gouvernement n’en seront que mieux irrigués, la moisson n’en sera que plus abondante.
Jérôme Carlos