Le recours adressé à la Cour constitutionnelle par Franck Kinninvo dans le cadre du conflit opposant le Conseil national des chargeurs du Bénin (Cncb) au Group Med connaît une suite depuis le 7 novembre 2017. La Cour, dans sa décision Dcc 17-229 du 07 novembre 2017, s’est déclarée incompétente. La décision ne condamne donc pas l’ancien Dg/Cncb Antoine Dayori pour violation de la loi fondamentale.
Décision Dcc 17-229 du 07 novembre 2017
Date : 07 novembre 2017
Requérant : Franck S. Kinninvo
Contrôle de conformité
Arbitrage de la Cour : (Demande d’intervention relative à un conflit qui l’oppose au Conseil national des chargeurs du Bénin (Cncb)…)
Incompétence
La Cour constitutionnelle,
Saisie d’une requête du 11 juillet 2017 enregistrée à son secrétariat à la même date sous le numéro 1156/202/Rec, par laquelle Monsieur Franck S. Kinninvo forme un recours contre « Monsieur Antoine Dayori, directeur général du Conseil national des chargeurs du Bénin (Cncb) » pour violation de la Constitution ;
Vu la Constitution du 11 décembre 1990 ;
Vu la loi n° 91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour constitutionnelle modifiée par la loi du 31 mai 2001 ;
Vu le règlement intérieur de la Cour constitutionnelle ;
Ensemble les pièces du dossier ;
Ouï Maître SimpliceComlanDato en son rapport ;
Après en avoir délibéré,
Contenu du recours
Considérant que le requérant expose : « … Les Faits
Le 17 février 2016, la Société Municipal médias et expertise en développement ayant pour sigle Group Med a reçu une commande du Conseil national des chargeurs du Bénin. Cette commande a été exécutée et livrée au Cncb en mai 2016. Dans la même période, Monsieur Antoine Dayori a été nommé directeur général du Cncb. De la date de sa nomination jusqu’à ce jour, Monsieur Antoine Dayori n’a pas :
1. payé la prestation de la Société Municipal médias et expertise en développement alors qu’il a payé :
des prestations dont les commandes sont antérieures et postérieures à ladite prestation ;
des prestations dont les commandes sont supérieures, égales ou inférieures à ladite prestation ;
qu’est-ce qui peut bien justifier ce traitement inéquitable et discriminatoire ? Cet agissement est contraire aux dispositions constitutionnelles susmentionnées.
2. répondu aux nombreuses correspondances que je lui ai adressées en ma qualité de directeur général de Municipal médias et expertise en Développement ou en mon nom propre alors qu’il a très certainement répondu à d’autres correspondances dans la même période. Qu’est-ce qui justifie ce traitement inéquitable et discriminatoire ? Cet agissement est contraire aux dispositions constitutionnelles susmentionnées, notamment à l’article 35 de la Constitution.
3. voulu me recevoir ou me fournir, ne serait-ce que par le biais de l’un de ses collaborateurs, la moindre information sur le paiement de la facture de la société dont je suis le gérant. Il y a là un comportement contraire aux dispositions constitutionnelles évoquées plus haut que la haute juridiction doit sanctionner » ;
Considérant qu’il précise : « La demande
Le présent recours n’a nullement pour objet de faire sanctionner le non-paiement de la facture toujours en instance de l’entreprise Municipal médias et expertise en développement dont je suis le gérant. Il vise plutôt à faire sanctionner les violations des articles 19, 26, 33, 34, 35 et 36 de la Constitution et des articles 2, 3, 5, 9 et 13 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples » ; qu’il conclut : « Ma requête vise à faire condamner l’ensemble des agissements de Monsieur Antoine Dayori, directeur général du Conseil national des chargeurs du Bénin, évoqués plus haut et contraires à la Constitution. De sorte qu’il convienne à la haute juridiction de dire et de juger :
1. premièrement, que Monsieur Antoine Dayori, directeur général du Conseil national des chargeurs du Bénin, a violé la Constitution en ses articles 19, 26, 33, 34, 35 et 36 et les articles 2, 3, 5, 9 et 13 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples. Sans omission de tous les autres moyens de droit qu’il plaira à la haute juridiction d’utiliser ;
2. secondairement, qu’en vertu de l’article 35 de la Constitution, Monsieur Antoine Dayori soit tenu personnellement responsable des déconvenues auxquelles le Conseil national des chargeurs du Bénin pourra être condamné par des juridictions compétentes du fait du non-paiement de la facture de Municipal médias et expertise en développement. Comment peut-on espérer que l’article 35 de la Constitution sera pleinement respecté si les personnes visées par cette disposition ne font l’objet d’aucune condamnation personnelle ?
Et ce sera justice » ;
Instruction du recours
Considérant qu’en réponse à la mesure d’instruction de la Cour, l’ex-directeur général du Conseil national des chargeurs du Bénin (Cncb), Monsieur Antoine Dayori, écrit : « … Le requérant expose en substance que le 17 février 2016, la Société Municipal médias et expertise en développement ayant pour sigle Group Med a reçu une commande du Conseil national des chargeurs du Bénin ; que cette commande a été exécutée et livrée au Cncb en mai 2016 et que dans la même période, j’ai été nommé directeur général du Cncb ; que depuis ma nomination jusqu’à ce jour, je n’ai ni payé la prestation de la Société Municipal médias et expertise en développement ayant pour sigle Group Med ni répondu aux nombreuses correspondances qu’il m’a adressées ou voulu le recevoir ou lui fournir, ne serait-ce que par le biais de l’un de mes collaborateurs, la moindre information sur le paiement de la société dont il est le gérant, ce qui, soutient-il, constituerait, selon lui, une violation des articles 19, 26, 33, 34, 35 et 36 de la Constitution … et des articles 2, 3, 5, 9 et 13 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples et qu’il faut, de ce fait, dire et juger : premièrement, que Monsieur Antoine Dayori, directeur général du Conseil national des chargeurs du Bénin a violé la Constitution en ses articles 19, 26, 33, 34, 35 et 36 et les articles 2, 3, 5, 9 et 13 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples ; secondairement, qu’en vertu de l’article 35 de la Constitution, Monsieur Antoine Dayori soit tenu personnellement responsable des déconvenues auxquelles le Conseil national des chargeurs du Bénin pourra être condamné par des juridictions compétentes du fait du non-paiement de la facture de Municipal médias et expertise en développement.
Ces allégations sciemment développées sont de nature à entrainer la haute juridiction dans un errement juridique. Il s’avère impérieux de repréciser les faits dans leur contexte (I) et de les analyser au regard de l’orthodoxie financière et comptable (II) afin de permettre à la haute Juridiction de prendre sa décision dans le respect de la Constitution dont elle est garante » ;
Considérant qu’il développe : « I- Des faits
En effet, la Société Municipal médias et expertise en développement ayant pour sigle Group Med a souhaité réaliser, pour sa parution de mars, un publi-reportage sur les activités du Cncb. Le 17 février 2016, elle a introduit une fiche d’insertion de « 19 pages d’insertion unique dans les 5000 exemplaires du magazine Afrique Locale »… Ladite fiche portant la signature de Madame Odette SakinathKaba et celle du directeur général du Cncb d’alors, mon prédécesseur, Monsieur Hervé Fangnigbé. Le montant de cette insertion est de neuf millions cinq cent mille francs Cfa (9 500 000 F Cfa) hors taxe.
Qu’il nous souvienne que février-mars 2016 correspond à la période électorale en République du Bénin qui a abouti à l’avènement d’un nouveau régime. Après la formation du Gouvernement, l’autorité de tutelle, le ministre des Infrastructures et des Transports, a pris des mesures conservatoires suspendant tout engagement des dépenses au profit des prestataires. C’est dans ce contexte que j’ai pris fonction en tant que directeur général du Conseil national des chargeurs du Bénin le 26 mai 2016. Dans la foulée, et suite à la levée des mesures conservatoires, Monsieur Franck Kinninvo directeur général du Group Med, saisit le ministre de tutelle aux fins d’instruire le directeur général du Conseil national des chargeurs du Bénin de lui payer ses créances … Le lendemain de ma prise de service, le 27 mai, je reçois les instructions du ministre … aux fins de payer ladite facture de onze millions deux cent dix mille francs CFA (11 210 000 FCfa) Ttc … Déférant aux instructions du ministre, j’ai affecté le même jour le dossier à deux (02) services techniques de mon Office, pour étude et avis, en l’occurrence, le chef de la cellule de communication, structure habilitée à jouer un rôle d’interface entre les médias et l’Office et la direction des finances et de la comptabilité, structure habilitée à liquider les dépenses.
Le chef de la cellule de communication indique dans son avis que, d’une part, les responsables du magazine du Group Med dénommé Afrique Locale n’ont en aucun moment discuté du contenu des articles avec sa cellule comme le recommandent les statuts du Cncb, d’autre part, que ledit magazine n’a jamais été réceptionné par la cellule de communication. Il précise que contre toute attente, un matin, on lui présente une facture de onze millions deux cent dix milles francs CFA (11.210.000) Ttc pour solliciter sa certification sans qu’il ait vu ledit magazine. Or, selon les procédures administratives en vigueur au Cncb, toutes les factures de communication transitent nécessairement par la cellule de communication qui certifie que le travail est fait et que l’intéressé peut jouir de ses droits. Etant donné que le magazine n’a pas été livré à sa connaissance, le chef de la cellule de communication, dans ses prérogatives, n’a pas certifié la facture. Il estime qu’il se serait compromis en validant un travail qu’il n’a pas sous la main.
Et c’est bien après, poursuit-il, qu’à sa grande surprise, le secrétariat particulier du directeur général d’alors lui a présenté un exemplaire du magazine. Il juge que l’intéressé a fait à dessein, car il a d’abord voulu se soustraire des observations de la cellule de communication quant à la qualité du travail ; ensuite, il a été convenu sur la fiche d’insertion que la structure prestataire perçoive 70% du montant à la signature de l’ordre d’insertion. Curieusement, elle réalise le magazine sans percevoir le moindre kopeck foulant ainsi au pied les clauses de l’ordre d’insertion. Mieux, au lieu de 19 pages conformément à l’ordre d’insertion, seules 10 pages sont consacrées au Cncb. Il porte alors des réserves sur l’effectivité de la prestation qu’il considère comme fictive.
La direction financière et comptable, quant à elle, considère que sans l’attestation du service fait et le procès-verbal de réception de la commande, elle n’est pas en mesure de liquider la dépense aux fins de payer la facture » ;
Considérant qu’il poursuit : « II- Analyse des faits
Il résulte des faits ainsi présentés que les prestations dont prétend Monsieur Franck Kinninvo n’ont pas été engagées dans les règles de l’art et pour cause. Mieux, le magazine Afrique Locale est à sa première parution, comment peut-on justifier un ordre d’insertion de près de dix millions de francs dans un journal sans audience certaine étant entendu qu’il est à sa première parution, donc le numéro 00001 ?
Cette situation constitue un indicateur qui corrobore et justifie le choix délibéré de la violation de la procédure d’exécution des commandes et consacre à n’en point douter le caractère fictif de cette prestation. Il est évident que lorsque l’orthodoxie financière est respectée et suivant les disponibilités financières et budgétaires, le Cncb paie ses créanciers sans discrimination aucune. Vous convenez avec moi … que quelle que soit ma bonne volonté, je suis tenu par les textes de la République » ; qu’il conclut : « Qu’il plaise à la haute juridiction : de constater :
que dans l’espèce, nous sommes dans une affaire purement commerciale ;
qu’il y a absence de l’attestation de service fait ;
qu’il y a absence du procès-verbal de réception de la commande ;
qu’il n’y a ni violation des articles 19, 26, 33, 34, 35 et 36 de la Constitution … ni celle des articles 2, 3, 5, 9 et 13 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples ;
qu’en considérant que la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples fait partie intégrante de la Constitution … qu’il y a, dès lors, lieu de dire et juger que :
Monsieur Antoine Dayori n’a pas violé la Constitution…
Monsieur Franck Kinninvo a méconnu la Constitution… » ;
Analyse du recours
Considérant qu’il ressort de l’analyse du dossier que la demande du requérant tend, en réalité, à faire intervenir la Cour dans le conflit qui l’oppose au Conseil national des chargeurs du Bénin (Cncb) à la suite du non-paiement de factures liées à une prestation de service ; que l’appréciation d’une telle demande ne rentre pas dans le champ de compétence de la Cour tel que défini par les articles 114 et 117 de la Constitution ; que dès lors, il échet pour elle de se déclarer incompétente ;
Décide :
Article 1er : La Cour est incompétente.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Monsieur Franck S. Kinninvo, à Monsieur Antoine Dayori, ex-directeur général du Conseil national des chargeurs du Bénin (Cncb) et publiée au Journal officiel.
Ont siégé à Cotonou, le sept novembre deux mille
dix-sept,
Messieurs Théodore Holo Président
ZiméYérima Kora-Yarou Vice-président
Simplice C. Dato Membre
Monsieur Akibou Ibrahim G. Membre
Madame LamatouNassirou Membre
Le Rapporteur, Le Président,
SimpliceComlanDato Professeur Théodore Holo