Après examen d’un recours déposé à son secrétariat par les sieurs Polycarpe Agboton et Chabi Sika Abdel Kamar Ouassagari, les 14 et 26 septembre 2017 en dénonciation de la non désignation par l’Assemblée Nationale des membres du Cos-Lépi, la cour après examen du recours a rendu la décision DCC 17-262 du 12 décembre 2017 qui, en son article 1er décide: » l’Assemblée Nationale doit procéder , au plus tard le 21 décembre 2017, à la désignation de ses représentants au sein du Cos-Lépi ».
Les sept sages de la Cour Constitutionnelle sont allés loin en décidant respectivement dans les articles 2 et 3 que « le Cos-Lépi doit être installé au plus tard le 29 décembre 2017 par la Cour Constitutionnelle « .
L’Assemblée nationale est donc désormais sommée de procéder dans un bref délai à la désignation de ses membres pour l’installation du Cos-Lépi prévue normalement pour être réalisée depuis le 1er juillet 2017.
Mais en réponse à cette décision de la cour constitutionnelle, la première autorité de l’Assemblée nationale a adressé une correspondance aux sept sages de la cour pour leur signifier les raisons qui ont conduit à la non désignation par l’institution parlementaire de ses 09 représentants au sein du cos-lépi.
A travers la réponse de l’institution parlementaire, il apparaît que les représentants du peuple ne trouvent plus la pertinence de désigner des membres pour le cos-lépi dont la fonction s’apparente à celle du ravip actuellement en cours sur le terrain.
Dans une réponse presque spontanée adressée à la cour, le président de l’assemblée nationale, Me Adrien Houngbédji a commencé par évoquer les raisons qui ont conduit à la non désignation des représentants de l’institution parlementaire au sein du cos-lépi avant de justifier l’impertinence de le faire alors que des représentants ont été au sein du ravip qui, selon lui, a presque la même mission administrative.
« ..Au cours de ces derniers mois, l’Assemblée nationale a connu un bouleversement en ce qui concerne sa configuration. Cela n’a pas permis de statuer valablement sur certains dossiers dont celui de la désignation des neuf (09) membres du Cos/Lépi » justifie le premier responsable de l’assemblée nationale.
Allant plus loin dans sa justification, l’assemblée nationale affirme avoir désigné les membres du Conseil national de supervision du Recensement administratif à vocation d’identification de la population (Cns/Ravip) pour rester dans le délai de la loi parce que le Conseil d’orientation et de supervision de la Liste électorale permanente informatisée (Cos/Lépi) n’a pu être installé.
« Toutefois, conformément aux dispositions de l’article 91 de la loi 2017-08 du 19 Juin 2017 portant identification des personnes physiques en République du Bénin, l’Assemblée nationale en sa session du Lundi 24 Juillet 2017, a désigné ses neuf représentants devant siéger au sein de la commission nationale de supervision dans le cadre du Ravip qui est aussi une structure administrative » a précisé le président Houngbédji.
En conclusion, l’assemblée nationale estime que les deux organes ont la même mission administrative. Une position de l’institution parlementaire qui fait dire à beaucoup que la décision de la cour constitutionnelle est en voie d’être violée « violemment ».
Réponse de Me Adrien Houngbédji: un refus d’obtempérer ?
Depuis l’avènement du régime du nouveau départ, plusieurs décisions de la cour constitutionnelle ont rencontré l’indifférence de l’exécutif. Il apparaît assez clairement pour l’assemblée nationale dans sa réponse à l’injonction de la cour de désigner ses représentants au sein du cos lépi, que « le Cos/Lépi et le Cns/Ravip sont pour la même cause avec les mêmes missions. Pour l’institution parlementaire, la désignation des membres du Cns/Ravip comble déjà le vide au niveau du Cos/Lépi et que d’ailleurs, la configuration actuelle de l’Assemblée nationale ne pourra permettre l’accomplissement d’une telle mission. »
Il ne serait donc point surprenant de constater au terme du délai imposé par la cour constitutionnelle que l’institution parlementaire n’ait pas désigné ses représentants comme semble l’indiquer les sept sages de la cour constitutionnelle.
Quid de la réponse de Me Adrien Houngbédji :
La position de l’assemblée nationale par rapport à la décision de la cour constitutionnelle soulève quelques interrogations. Pourquoi les perturbations observées au niveau de l’assemblée nationale n’ont d’incidence que sur la désignation des représentants de l’institution parlementaire au sein du cos-lépi alors que la loi existe toujours et n’a pas été abrogée alors que ces perturbations n’ont pas empêché la désignation des membres du cns-ravip ?
Pourquoi le bureau de l’assemblée nationale n’a jamais jugé utile d’aborder la question alors qu’à maintes reprises la minorité parlementaire sur plusieurs chaînes de télévisions et de radio ont évoqué leur inquiétude face à la non désignation des membres du cos-lépi ? comment en est-on arrivé à affirmer aujourd’hui que la mission du cos-lépi est une mission administrative comme celle d’ailleurs du cns-ravip? Semble t-on ignorer aujourd’hui que le cos-lépi a aussi et surtout une mission politique; celle de mettre à jour une liste qui va servir à une élection qui du reste est une activité politique? Pour vouloir aujourd’hui comparer le cns-ravip et le cos-lépi que le ravip est un outil de développement qui n’a rien à voir avec les élections ?
Autant d’interrogations qui rendent floue la finalité du ravip et renforcent les craintes et les soupçons soulevés par cette opération.
La cour doit désigner les représentants du parlement si Me Adrien Houngbédji se dérobe de sa mission:
Au terme du délai indiqué par la cour constitutionnelle, si rien n’est fait, la cour doit jouer sa partition jusqu’au bout en sa qualité de régulatrice du fonctionnement des institutions en procédant elle-même à la désignation des membres devant siéger au sein du cos-lépi fin de respecter son propre calendrier qui prévoit la date du 29 Décembre 2017 comme celle de l’installation du cos-lépi.
Des menaces évidentes sur le fonctionnement du prochain cos-lépi:
Il apparaît évident aujourd’hui que le gouvernement du président Patrice Talon et le bloc de la majorité parlementaire ne veulent pas du cos-lépi. Cela constitue déjà un handicap majeur pour le fonctionnement de cet organe qui sera installé si la cour maintient sa fermeté et procède malgré tout à l’installation du cos-lépi.
L’organe ne pouvant fonctionner sans moyens risque de faire du sur place pour ensuite disparaître comme il aurait apparu. Le bruit court déjà que le gouvernement n’entend pas mettre à la disposition du cos -lépi des ressources qui du reste sont déjà utilisées dans le fonctionnement du cns-ravip.
Si ce bruit se confirmait, il n’y a point de doute que la liste qui sera utilisée pour les élections à venir sera une fabrication du ravip. Une idée qui jusque là est restée voilée et ne laissait transparaître que l’outil de développement que représente le ravip. Autant d’incohérences qui rendront l’affrontement entre le bloc de la majorité parlementaire et la minorité parlementaire inévitable car le gouvernement aura choisi une fois de plus dans sa logique de ne pas bien faire les choses; pour ne pas dire qu’il fait usage de la ruse et de la rage.
Edouard Djogbénou / Beninwebtv